Parti national démocratique (Irak)
Le Parti national démocratique (لحزب الوطني الديمقراطي, Al-Ḥizb Al-Waṭanī Ad-Dīmūqrāṭī), est un parti politique irakien patriotique (watani, c'est-à-dire nationaliste irakien non confessionnel, donc ni qawmi, ethnonationaliste panarabe, ni taïfi, confessionnel, ni shuʿubi, ethnonationaliste non arabe) et travailliste, puis socialiste, fondé en 1946 par Kamel al-Chaderchi et recréé en 2003 par son fils Naseer al-Chaderchi après la longue parenthèse de la dictature panarabiste nassérienne (1963-1968), puis baassiste (1968-2003). Pour l'historien français Pierre-Jean Luizard, "Le P.N.D. [d'avant 1963] exprimait les options d'une bourgeoisie éclairée et n'eut jamais une audience allant au-delà d'élites citadines"[1].
Kamel al-Chaderchi
Kamel al-Chaderchi (1897-1968)[2] était "un des plus riches propriétaires fonciers d'Irak" dans les années 1930-1950[1]. Il rejoignit le nouveau Parti de la fraternité nationale (حزب الاخاء الوطني, Hizb al-Ikha al-Watani) de Yasin al-Hashimi[3], Naji al-Suwaydi[4] et Rashid Ali al-Gaylani. Ce parti, issu en 1931 de la fusion du Parti national, du Parti du peuple et d'autres groupes nationalistes, était nationaliste panarabe et conservateur, mais opposé aux gouvernements en place de Nuri Saïd, puis de Naji Shawkat, avant de renverser celui-ci grâce à une majorité alternative au Parlement en 1933 et de porter brièvement al-Gaylani au poste de premier ministre.
Il quitta le PFN vers 1934, en même temps que Hikmat Sulayman, brièvement ministre de l'Intérieur dans le gouvernement al-Gaylani, également anti-panarabe et partisan d'un patriotisme irakien non-ethnique et non-confessionnel, mais sur le modèle autoritaire de Mustafa Kemal en Turquie[5].
Les deux adhérèrent alors au "Groupe des gens" ou "Groupe Al-Ahāli" (مجموعة الاهالي, Majmouatou-l-Ahālî), un mouvement d'intellectuels démocrates et patriotes antinationalistes, proches du socialisme fabien (britannique), créé vers 1930-1932[6].
En octobre 1936, le Groupe Al-Ahāli appuya le coup d'état de Bakr Sidqi[7] et se transforma alors officiellement en parti politique, l'Association de la réforme populaire (Jam'iyyat al-islāh al-sha'bï), lequel fournit le poste de premier ministre (Hikmat Sulayman) et la moitié des membres du gouvernement, dont le ministre des Finances Ja’far Abu al-Timman (fondateur du Groupe, chiite, dirigeant de l'ex-Parti national) et le ministre de l'Economie et des Travaux publics Kamel al-Chaderchi. En juin 1937, le parti quitta le gouvernement, dont le chef resta toutefois en place, et Bakir Sidqi l'interdit peu après, avant d'être assassiné en août de la même année, assassinat lui-même rapidement suivi de la démission d'Hikmat Sulayman.
Sous la monarchie irakienne (1946-1958)
En 1946, cinq partis, dont trois de gauche, furent reconnus par le gouvernement irakien, le Parti libéral (droite), le Parti de l'indépendance irakienne (Istiqlal, conservateur et nationaliste panarabe), le Parti du peuple, le Parti de l'Union nationale et le Parti national démocratique, chacun de ces trois derniers comptant parmi ses fondateurs des membres du Groupe Al-Ahali[6] [8]. L'historien Hanna Batatu considérait le PND comme l'héritier de l'aile non-marxiste du Groupe Al-Ahali et a calculé que seuls 3 sur les 8 membres fondateurs du PND en 1946 n'avaient pas eu de lien avec ce groupe[9]. Sa consoeur Aline Schlaepfer souligne quant à elle que ce nouveau parti, considéré comme modéré, non communiste, a également attiré des patriotes juifs irakiens non sionistes[6].
Le PND obtint 2 sièges sur 138 aux élections législatives de 1948[10]. Au cours des années 1950, le PND passe d'un "travaillisme modéré" à "des positions davantage marquées par l'idéal socialiste[1].
De 1954 à 1956, le PND a fait partie du Front national avec les nationalistes conservateurs de l'Istiqlal et les communistes du PCI, coalition étendue entre 1956 et 1958 sous le nom de Front de l'unité nationale (Jabhat al-Ittihad al-Watani) aux nationalistes panarabes du Baas et au Parti démocratique kurde (PDK).
Sous le régime d'Abd al-Karim Qasim (1958-1963)
Selon Pierre-Jean Luizard[1], le PND
- fut associé au pouvoir sous Qâsem, après avoir été dans l'opposition clandestine sous la monarchie. En 1959 et en 1960, la plupart des membres du gouvernement sont alors membres du P.N.D., avant que l'autoritarisme de Qâsem n'aboutisse à un divorce. Le P.N.D. exprimait les options d'une bourgeoisie éclairée et n'eut jamais une audience allant au-delà d'élites citadines.
L'historien Hanna Batatu précise qu'au sein du gouvernement de 14 membres dirigé par Qasim, premier ministre et ministre de la défense, 3 étaient membres du PND (Muhammad Hadid, ministre des Finances, né en 1906 à Mossoul, Arabe, sunnite; Hdaib al-Hajj Hmud, ministre de l'Agriculture, né en 1918 à Diwaniyyah, Arabe, chiite; Husain Jamil "ministre de l'Orientation", né en 1908 à Bagdad, Arabe, sunnite), un "proche du PND" (le ministre des Affaires étrangères Hashim Jawad, né en 1911 à Bagdad, Arabe, sunnite) et 2 "ex-membres du PND (Tal'at ash-Shaibani, ministre du Développement, né en 1917 à Al-Huwaydir, dans la province de Diwala, Arabe, chiite; Hasan at-Talabani[11], ministre des Communications, né en 1913 à Bagdad, Kurde, sunnite)[9].
Sous les dictatures nassérienne (1963-1968) et baassiste (1968-2003)
Après la dictature baassiste
voir l'article National Democratic Party sur la Wikipédia anglophone
Notes et sources
- ↑ 1,0, 1,1, 1,2 et 1,3 Pierre-Jean Luizard, "II y avait un pays, qui s'appelait l'Irak...", Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n°81-82, 1996 (numéro thématique sur "Les partis politiques dans les pays arabes - 1. Le Machrek."), pp. 257-302; doi : 10.3406/remmm.1996.1764
- ↑ جادرجي، كامل Kāmil Jādirjī, cf.WorldCat Identities, autres transcriptions:Kamil al-Chadirchi, Kamil Chadirji
- ↑ e.a. premier ministre d'août 1924 à juin 1925
- ↑ premier ministre de novembre 1929 à mars 1930
- ↑ lire à ce sujet Michael Eppel, "The Hikmat Sulayman-Bakir Sidqi government in Iraq, 1936-37, and the Palestine question", Middle Eastern Studies, Vol. 24, No. 1 (Jan., 1988), pp. 25-41
- ↑ 6,0, 6,1 et 6,2 Aline Schlaepfer, Les intellectuels juifs de Bagdad: Discours et allégeances (1908-1951), Brill, 2016 (dans une série Christians and Jews in Muslim Societies), ISBN 9789004305830
- ↑ un général kurde, mais patriote irakien et auteur de massacres de 5.000 à 6.000 civils assyriens en 1933 à Simele et de plusieurs centaines de rebelles chiites en 1935
- ↑ Majid A. Majid, L'Émergence d'un état à l'ombre d'un empire: Irak - Grande- Bretagne, Publications de la Sorbonne: Série internationale, 1996 ISBN 9782859442903
- ↑ 9,0 et 9,1 Hanna Batatu, The Old Social Classes and the Revolutionary Movements of Iraq: A Study of Iraq's Old Landed and Commercial Classes and of its Communists, Ba`thists and Free Officers, 1978
- ↑ "Iraqi parliamentary election, 1948", Wikipédia anglophone, sur base des données publiées dans Dieter Nohlen, Florian Grotz & Christof Hartmann, Elections in Asia: A data handbook, 2001, Volume I, p.97 ISBN 0-19-924958-X
- ↑ petit-fils du poète kurde Riza Talabani, pas parents proches du Président Jalal Talabani, cf. Martin van Bruinessen, ‘The Qâdiriyya and the lineages of Qâdirî shaykhs among the Kurds’, in: Thierry Zarcone, Ekrem Işın et Arthur Buehler (eds), The Qadiriyya Order, Journal of the History of Sufism (special issue) 1-2 (2000), pp. 131-149
à consulter
- Orit Bashkin, The Other Iraq: Pluralism and Culture in Hashemite Iraq, Stanford University Press, 2008
- Rifat Chadirji, The photography of Kamil Chadirji: social life in the Middle East 1920-1940, LAAM, 1991 ISBN 9781870326308 (aussi chez Palgrave Macmillan, 1994 ISBN 9780850438604 et chez I.B. Tauris, 1995 ISBN 9781850438373; en version française Kamil Chadirji, photographe : la vie au Proche-Orient, 1920-1940, Surbiton (Surrey), LAAM, 1991 ISBN 9781870326445)
- Eric Davis, Memories of State: Politics, History, and Collective Identity in Modern Iraq, University of California Press, 2005
Attention: cet article est en cours de rédaction, il s'agit donc d'une ébauche et certains éléments peuvent donc être prochainement modifiés suite à la consultation de sources supplémentaires. |