Parti citoyenneté prospérité/Le Premier Congrès du PCP
Par Pierre-Yves Lambert Suffrage Universel TV, mi-mai 2003
"Au PCP, on ne vient pas d'ailleurs, c'est là notre force"
Cette réflexion, ce slogan pourrait-on dire, a été énoncée avec fermeté par le Cheikh Jean-François Abdullah Bastin lors du premier congrès du Parti Citoyenneté et Prospérité le 10 mai 2003 à Molenbeek. Elle faisait écho au titre d'un article paru dans Le Soir pendant la campagne électorale, "Ces candidats venus d'ailleurs", présentant quelques candidats d'origine marocaine des quatre partis traditionnels francophones, CDH, MR, PS et Ecolo. Traditionnels? Pas si sûr que ça: "Traditionnel, le PCP l'est plus que les autres car nous nous référons à la tradition islamique". Hé oui, il fallait y songer. Quant à ces "candidats venus d'ailleurs", "ils sont là uniquement pour attirer des voix", "ils nous traitent de marginaux mais ils sont, eux, marginaux dans leurs propres partis".
Autre réflexion entendue ce jour-là, celle de Marie-Dominique Anissa Scheppers, présentatrice de ce congrès, née aux Fourons, "en province de Liège" est-il précisé sur la page de présentation des candidats. On peut ainsi lire sur le site du PCP: "Etant née aux Fourons, la politique, je suis un peu née dedans !". Entendre ça dans une salle appartenant à la communauté flamande, le Vaartkapoen, en rajoute encore dans le surréalisme de ce congrès. Congrès ou meeting électoral ?
Après une séance d'anachid (chants religieux), la réunion commence très en retard par les phrases religieuses rituelles du Cheikh Bastin puis une prière. Sur le podium règne la parité, Hamza, Abdullah, Anissa et Yasmina, mais celui qui tiendra le crachoir pendant la majeure partie de ce meeting sera bien sûr le Cheikh Bastin. La lecture complète et commentée de tout le programme du parti y passe au fil des minutes. De la soixantaine de personnes présentes au départ, apparemment pour beaucoup des curieux plus que des membres, on passe à une centaine au bout d'une heure, y compris des enfants, beaucoup de gens sont venus en famille.
Vient à un moment l'exposé d'un invité qui s'était d'abord décommandé, puis est quand même venu parce que l'autre activité qu'il avait privilégiée au départ a été annulée: Jacob Mahi, professeur de religion, candidat au poste d'inspecteur des cours de religion islamique évincé sur ordre du ministre Pierre Hazette. Jacob Mahi met aussitôt les points sur les i : sa présence ne doit aucunement être interprétée comme un soutien à ce parti plutôt qu'à un autre, d'ailleurs, assène-t-il devant un Cheikh Bastin qui regarde fixement devant lui, pour se donner une contenance , "c'est la compétence qui compte, pas le fait qu'on soit chrétien, juif ou musulman". Des paroles qui sonnent bien étrangement dans le congrès d'un parti islamique dont les membres ont décidé que seuls des Musulmans pouvaient être candidats sur sa liste.
Une stratégie qui ne va pas de soi : les Frères Musulmans syriens pendant les quelques années de démocratie parlementaire avant la dictature baassiste, tout comme le Hezbollah libanais jusqu'à aujourd'hui, ont eu des élus chrétiens dans leurs rangs, et le défunt Refah du Turc Necmettin Erbakan en comptait également dans ses structures.
Toutefois, faisant référence à une récente interview du président du MR, Daniel Ducarme, à qui le mot "Islam" fait spontanément penser au mot "danger" dans un jeu d'associations d'idées, Mahi n'y va pas par quatre chemins: "certains partis de la droite d'aujourd'hui que je ne citerai pas sont des partis d'extrême-droite light" tranche le professeur. Pas question pour autant "de soutenir un parti qui est pour le mariage homosexuel", ce qui, implicitement, ne laisse le choix qu'entre trois partis d'inspirations similaires, le CDH, le CDF et le PCP, même s'il ne citera pas leurs sigles.
L'homophobie, ciment d'un futur cartel interconfessionnel ?