Amigos alemanes en España
(traduit du néerlandais par Pierre-Yves Lambert et publié dans le n°3 du magazine papier Suffrage Universel en juillet 1998)
Un roi de la saucisse fonde un parti allemand à Majorque
[De Morgen (Bruxelles) 09/12/1997]
Le richissime fabricant allemand de saucisses Horst ABEL (58 ans) a mis sur pied un parti politique à Majorque. ABEL a déclaré hier au journal allemand à sensation Bild que son Amigos Alemanes en Espana (Amis allemands en Espagne) défendra les intérêts des quelques 35.000 résidents allemands à Majorque. Il s'agit d'une estimation assez basse, car selon des statistiques espagnoles il n'y a pas moins de 100.000 Allemands qui résident pratiquement en permanence sur la "perle des Baléares".
En juin 1999, ABEL espère atteindre le seuil électoral de 5 pourcents aux élections locales. "Mes candidats doivent obtenir le plus de sièges possible" dit-il, et de cette façon il veut participer à la prise de décisions sur l'île. Le premier objectif de son parti AAE est d'intervenir comme médiateur dans les problèmes entre Allemands et Espagnols. Horst ABEL est entre autres propriétaire d'une fabrique de saucisses, d'une brasserie et de snackbars à Majorque. Il espère de cette manière coopérer au solutionnement des tensions entre la communauté allemande et les 600.000 Espagnols de l'île. Un des problèmes est, selon ABEL, le flux d'Allemands criminels vers l'île. "Parmi les millions de touristes innocents, il y a de plus en plus de criminels qui, en Allemagne, sentent le sol trop brûlant pour leurs semelles. Ils se cachent ici et y poursuivent leurs pratiques." ABEL et son parti veulent que les autorités espagnoles agissent plus fermement contre leurs louches compatriotes.
Majorque est si fermement dans les mains teutonnes que l'île est surnommée le "17ème Land allemand", bien qu'elle se trouve face aux côtes africaines. A côté des cafés, restaurants et bars de nuit allemands, il y a des coiffeurs, des plombiers, des pasteurs et des curés, des maisons de repos, des agents immobiliers et des équipes de football allemands. En plus des résidents allemands fixes, trois millions d'Allemands sont cette année partis à la conquête de l'île et y ont rapporté 185 milliards de francs [30 milliards de francs français]. Tant d'intérêts méritent peut-être bien un parti politique spécifique.
Mallorca ist fest in Deutscher Hand [Majorque est fermement entre des mains allemandes]
[De Morgen (Bruxelles) 24/12/1997]
Peu avant Noël, un Espagnol a demandé aux Allemands de se comporter un peu mieux en vacances. Il a choisi pour ce faire un puissant porte-parole: le journal à sensations Bild qui tire quotidiennement à 5 millions d'exemplaires, et compte assurément plusieurs dizaines milliers de fans allemands de Majorque parmi ses lecteurs.
Jaume MATAS, le ministre-président de la province autonome des Baléares, dont font partie les îles de Majorque, Minorque, Ibiza et Formentera, demande dans une "lettre ouverte aux Allemands" plus de respect pour les traditions et les coutumes de la population locale.
Depuis déjà 50 ans des millions de touristes allemands vont aux Baléares, surtout à Majorque, et des dizaines d'Allemands s'y sont établis en permanence. Ils se comportent vraiment comme si Majorque était le 17ème Land allemand ou une colonie allemande, et les Espagnols en ont assez. Les 600.000 habitants espagnols de l'île tremblent devant le slogan "Mallorca ist fest in Deutscher Hand".
Sans faire usage de ces slogans dans sa lettre, les remarques de MATAS expriment bien le mécontentement à propos du comportement de (certains) hôtes allemands. "Ils doivent comprendre que les Baléares ne sont pas l'Allemagne. Il y a des différences et ce sont les Allemands qui doivent faire des efforts pour s'adapter. Nous sommes un peuple hospitalier, mais nous espérons un petit effort pour apprendre ou comprendre notre langue. Nous sommes heureux que des Allemands viennent dans nos bars, dans nos places, dans nos rues, mais nous ne voulons pas de zones exclusives - pour personne."
MATAS vise par là les Allemands qui se sont établis aux Baléares et y ont formé de véritables ghettos, avec leurs propres restaurants, garagistes, magasins, coiffeurs, vétérinaires, discothèques, Bierstuben et librairies. "N'oubliez pas que les Baléares ne tirent pas leur existence que du tourisme. Nous avons une industrie, une gastronomie et une culture ancienne.Tout cela est pour nous très précieux et très important", écrit encore Jaume MATAS, qui en passant se scandalise de l'image de l'archipel qui se dégage des films allemands. Il vise par là la comédie Ballerman 6, très populaire en Allemagne.
En illustration, un portrait du pavillon de plage homonyme fréquenté par les Allemands à Majorque. Le personnage principal se promène en bonnet, short et pantoufles de bain, et la devise de ce film comique est: picoler le plus possible et déconner. Pendant la projection du film dans les salles allemandes, des spectateurs saouls cassaient les sièges et jetaient de la bière. "La grossièreté de certains films qui se passent à Majorque ne nous plaît pas du tout"...
Un roi allemand de la saucisse fuit Majorque
[De Morgen (Bruxelles) 05/01/1998]
Le fondateur du parti allemand à Majorque, Horst ABEL, a fui l'île des Baléares. Le fabricant de saucisses, âgé de 58 ans, craint qu'on attente à sa vie. Le roi allemand de la saucisse a déjà été à plusieurs reprises menacé de mort, c'est ce qu'il a fait savoir dans une déclaration écrite à l'agence de presse DPA. Il retourne en Allemagne après avoir habité l'île pendant plus de trente ans.
Selon ABEL, les autorités espagnoles prennent l'affaire très au sérieux mais n'ont entrepris aucune action. En novembre, l'île a été sous le choc du meurtre du roi de la bière Manfred MEISEL, de son fils et d'un collaborateur. ABEL avait fondé le mois dernier un parti politique, les Amis Allemands de l'Espagne, pour défendre les intérêts des quelques 35.000 résidents allemands à Majorque. Le parti exige que les autorités espagnoles agissent fermement contre le flux des compatriotes criminels d'ABEL vers l'île.