Roestam Effendi

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Roestam Effendi (1905-1979) fut à la fois le premier élu d'origine non-européenne et le premier élu musulman ayant siégé à la Deuxième Chambre des Etats-Généraux du Royaume des Pays-Bas[1] du 4 juillet 1933 au 19 janvier 1946, élu sur la liste du Parti communiste néerlandais (CPH, puis CPN)[2].

1905-1927: jeunesse aux Indes néerlandaises

Né à Padang, dans les Indes néerlandaises (actuelle Indonésie), fils aîné d'une fratrie de 9 enfants. Son père, Soeleiman Effendi, était un militant de l'Indische Partij d'Ernest Douwes Dekker[3] et de Tjipto Mangoenkoesoemo. Roestam Effendi suit les cours des écoles de formation pour instituteurs à Fort de Kock, puis à Bandoung, et enfin à La Haye à partir de 1927. Il dirige un certain temps l'école islamique Abadiah.

Déjà actif politiquement dès 1924 au sein de la Ligue des Jeunes Sumatranais (Jong Sumatranenbond,) et du Parti communiste indonésien (PKI, Parti Komunis Indonesia), il est conseiller municipal dans sa ville natale de Padang jusqu'à son départ pour les Pays-Bas en 1927, motivé par le risque d'être arrêté comme militant communiste. Il écrit deux ouvrages en indonésien, en 1925 Pertjikan Permenungan (« Méditations scintillantes ») et en 1926 Bebasari (« L'essence est la liberté »)

1927-1933: militant et étudiant aux Pays-Bas et en Russie

A partir de 1929, il est un des dirigeants de l'organisation nationaliste des étudiants indonésiens aux Pays-Bas, le Perhimpoenan Indonesia, à forte composante communiste, mais englobant d'autres courants également. De 1929 à 1932, il milite également à la Liga tegen Imperialisme en Kolonialisme (Ligue contre l'impérialisme et le colonialisme). En 1932-1933, il suit les cours de l'Ecole Lénine à Moscou, sous le pseudonyme Alfaroes. Entre 1927 et 1933, il réside principalement à Rotterdam, puis à Amsterdam, et pendant une durée indéterminée à Berlin et à Moscou.

1933-1945: député aux Pays-Bas

En 1933, le Parti communiste hollandais lui demande d'être candidat aux élections législatives, la liste étant composée alternativement d'un Néerlandais et d'un Indonésien. Il est le troisième candidat indonésien, en sixième position. Il est appelé à siéger parce que le premier candidat indonésien, Sardjono, chef du PKI, est emprisonné dans un camp d'internement dans la forêt de Nouvelle-Guinée après avoir mené une insurrection à Java et à Sumatra, et que le deuxième élu, Alimin Prawirodirdjo, autre dirigeant de premier plan du PKI, s'est réfugié à Moscou après ladite insurrection.

Lors de sa prestation de serment au parlement le 4 juillet 1933, trois députés, Lodewijk Duymaer van Twist[4] (ARP, Parti anti-révolutionnaire, conservateur protestant), Jan Weitkamp et Reinhardt Snoeck Henkemans (CHU, Union chrétienne-historique, conservateur protestant[5]), refusent ostensiblement de se lever en protestation contre son élection. En réaction aux remous que provoque cet événement sur les bancs de la droite, Roestam Effendi s'écrie « Indonesia Merdeka! » (Liberté pour l'Indonésie !).

Le 12 juillet 1933, il est condamné en appel à un mois de prison pour subversion pour des faits qui s'étaient déroulés lors d'un meeting électoral, il purge sa peine en novembre-décembre à la Maison d'arrêt d'Amsterdam alors que le Procureur général avait requis lors de l'audience du 30 juin son arrestation immédiate, de peur qu'il s'enfuie à l'étranger ou ne puisse être retrouvé, « parce que ces gens se ressemblent tous comme des petits hommes-cacahouètes » (pindamannetjes). Effendi dénonce ces propos racistes dans son allocution finale et déclare: « Vous me demandez ce que je viens faire en Hollande. Je vous réponds par une autre question, qu'est-ce que vous et les vôtres êtes venus faire en Indonésie ? Je viens ici en tant que représentant de 60 millions d'Indonésiens... Je vais faire entendre ici au parlement la voix de l'Indonésie parmi nos ennemis. » .

La même année, il dirige le comité de soutien aux mutins indonésiens d'un bâtiment de guerre néerlandais, le Zeven-Provinciëen[6], et introduit en 1934 une proposition d'amnistie en leur faveur, qui est ensuite retirée.

Il fait partie en 1935 de la délégation du PC néerlandais qui se rend au septième congrès du Komintern, il est réélu aux élections législatives de 1937 malgré la perte d'un siège par le PC. De 1938 à 1945, il est membre de la direction de ce parti, mis pas du bureau politique, au contraire de la période 1935-1938. Il est le porte-parole du groupe parlementaire pour les questions coloniales, mais il intervient également dans les domaines de la défense, des finances et de la circulation, et prend souvent la parole dans des conférences.

Il survit sous l'Occupation et reprend son siège à la Deuxième Chambre à la Libération jusqu'en janvier 1946, date de son exclusion du groupe parlementaire communiste pour avoir soutenu contre la direction du parti Daniël Goulooze, résistant communiste et rescapé du camp de Sachsenhausen, victime à son retour d'un procès stalinien, en partie parce qu'il avait défendu la ligne d'opposition à l'occupant nazi avant la rupture du pacte germano-soviétique. Dès l'annonce son exclusion, qui suivait sa suspension décrétée en novembre 1945, Roestan Effendi démissionne de son mandat, et neuf mois plus tard il part s'installer définitivement en Indonésie indépendante.

1946-1979: retour en Indonésie

De retour en Indonésie, il adhère en 1948-1949 au Partai Murba (Parti prolétarien, section indonésienne de la IVème Internationale, trotskyste), fondé notamment par Tan Malaka. Il devient dans les années 1950 conseiller du premier ministre Muhammad Natsir, leader du Parti Masyumi (islamiste, dissout en 1960). En 1965, lors du coup d'état anticommuniste de Suharto, il détruit toutes ses archives pour des raisons de sécurité et abandonne toute activité politique. Il redevient musulman pratiquant et effectue à trois reprises le pélerinage à La Mecque. Depuis son retour en Indonésie, il tente de gérer une entreprise commerciale, sans succès, et survit financièrement grâce à sa pension de parlementaire néerlandais.

Il meurt d'une crise cardiaque à Djakarta le 24 mai 1979. L'ancien premier ministre Natsir prononce un éloge funèbre à son enterrement religieux.

Notes et références

  1. Tweede Kamer der Staten-Generaal, la Chambre des députés; il convient de préciser qu'il s'agit bien d'un élu de métropole, les habitants des colonies néerlandaises n'étaient pas représentés au Parlement néerlandais à moins de résider en métropole
  2. Le premier candidat de même origine fut le militant indépendantiste indonésien Tan Malaka en 1922, également sur la liste du Parti communiste, mais il ne fut pas élu.
  3. Ernest Douwes Dekker, un métis eurasien engagé dans le combat pour l'indépendance de l'Indonésie dès le début du XXème siècle, était l'arrière-petit-neveu d'Eduard Douwes Dekker, mieux connu sous le nom de Multatuli, l'auteur du célèbre roman anticolonialiste Max Havelaar
  4. Lodewijk Duymaer van Twist est le député néerlandais détenteur du record de longévité parlementaire, il a siégé de 1901 à 1945. Il fut le fondateur en 1917 du Bond tegen het vloeken (la Ligue contre le juron), une organisation chrétienne conservatrice qui existe encore au XXIème siècle. Il fut également l'organisateur de la « campagne de volontaires » en 1918, qui incita les soldats démobilisés à remettre leur uniforme et à converger vers La Haye pour protéger la reine et le gouvernement contre la tentative de révolution socialiste en cours, sur le modèle allemand, un épisode historique connu sous la dénomination ironique Vergissing van Troelstra (« Erreur de Troelstra », du nom du dirigeant social-démocrate qui l'avait initiée)
  5. L'ARP, le CHU et leur homologue catholique, le KVP, fusionnèrent en 1980 pour former le Christen Democratisch Appèl (CDA), parti de l'actuel (2009) premier ministre Jan Balkenende
  6. Pour en savoir plus sur cette mutinerie et ses conséquences politiques aux Pays-Bas: J.C.H. Blom, The Mutiny on Board De Zeven Provinciën: Reactions and Repercussions in the Netherlands, In: Acta Historiae Neerlandicae. Studies on the History of The Netherlands, 1978, pp. 163-174

Source principale

  • J. Morriën, "Effendi, Roestam", in: Biografisch Woordenboek van het Socialisme en de Arbeidersbeweging van Nederland, deel VII, (1998), pp. 41-45

Autres sources consultées

  • Parlement en politiek, R. Effendi, Parlementair Documentatie Centrum (PDC UL) de l'Université de Leiden
  • Divers articles de wikipédia (néerlandais, français, anglais) ont également été consultés, ainsi que les sources en ligne y mentionnées

Source non consultée (non accessible en ligne)

  • Marij Leenders, "Strijd tussen patriottisme en ideologie: Roestam Effendi, de eerste allochtone parlementariër", in: Jaarboek Parlementaire Geschiedenis 2007, 133