Les Arabo-musulmans de France face à la politique du Parti socialiste

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Les Arabo-musulmans de France face à la politique du Parti socialiste. Réflexion sur le comportement et l’expression des populations d’origine arabo-musulmane de France

Tahar Rahmani (à l'époque conseiller municipal PS à Marseille), septembre 2001

Les municipales de mars 2001 sont désormais derrière nous et, déjà, se profile à l’horizon, la présidentielle qui, elle-même, laissera la place aux législatives de juin 2002, enjeu majeur s’il en est !

Vingt ans après la victoire de la Gauche en 1981, il est utile aujourd’hui de s’interroger sur la place offerte à l’expression de la " sensibilité " arabo-musulmane sur le terrain politique.

En 1989 et 1995, lors des élections municipales, notre parti a présenté et fait élire quelques dizaines de conseillers municipaux d’origine maghrébine. Mais il est clair que cette décision, louable dans son principe à l’époque, n’a pas suffi à assurer la prise en compte de toute cette sensibilité française.

D’autant que, ne le cachons pas, dans les années qui ont suivi la Guerre du Golfe, de nombreux militants d’origine musulmane ont rendu leurs cartes du Parti socialiste.

La nécessité demeure, pour les populations de culture arabo-musulmane de France, de trouver une expression sur le terrain politique et, bien entendu, le P.S. reste l’espace central de la France progressiste pour cela.

Mais ce constat peut être battu en brèche par une Droite de plus en plus offensive dans son " rapprochement " vers ces populations. Les tabous sont tombés et les diverses droites apparaissent aujourd’hui plus enclines et plus sensibles à l’ouverture sur leurs listes aux personnes d’origine arabo-musulmane. Là encore, les dernières municipales l’ont démontré. Pour la Gauche plurielle, le PC a pratiqué une certaine ouverture, alors que les Verts ont été plus loin, proportionnellement, que le PS et le PC.

L’élaboration du projet 2002 du parti, serait l’occasion de poser quelques évidences mal cernées, mal connues ou ignorées et qui, pourtant, forgent l’état d’esprit actuel d’une grande majorité de Arabes de France, et même, au-delà d’eux, d’une partie des autres populations extra-européennes, notamment celles originaires d’Afrique ou des Comores vivant dans notre pays comme par exemple :

  • l’expression culturelle, cultuelle, sociale et surtout politique de ces composantes de la société française, ne constitue pas les prémisses supposées d’une contre-société. Les différentes formes qu’elle revêt, les prises de position qu’elle suscite, s’inscrivent normalement dans le débat public et le paysage français, parfois devant le Parti et surtout devant la Nation. Le premier problème vécu est que, dans les faits, leur légitimité ne semble pas être totalement reconnue, à l’exception notable du sport et de la variété artistique;
  • pour avoir trop légèrement disserté sur le " droit à la différence " ou à la " ressemblance ", les socialistes ne peuvent qu’être surpris d’être confrontés à un état de divergence, particulièrement sur des sujets jugés hautement symboliques comme : l’Islam, la politique étrangère et notamment la question palestinienne, la reconnaissance politique, culturelle et cultuelle de plus de cinq millions de citoyens.

L’évolution de la société française doit se faire sans exclure volontairement ou involontairement les Français d’origine étrangère. Les institutions et assemblées de France doivent être à l’image de la société, comme les élus doivent ressembler à leurs populations, ce qui est aujourd’hui de moins en moins le cas.

Selon un sondage réalisé par le CES/PACA, 38% des 20/29 ans s’étaient abstenus ou ont jugé négativement les législatives de 1997. Ceci est encore plus fort dans les cités " sensibles " de nos banlieues.

Les résultats des dernières élections municipales, avec un taux d’abstention aussi élevé, tout particulièrement dans les quartiers populaires, ne sont que la réponse à cet état de fait. Pourquoi voter, alors qu’on n’a pas droit au chapitre ? Et ce ne seront ni les discours, ni certaines actions démagogiques qui vont mettre fin à cette tendance.

Le Pacte Républicain, qui s’est forgé et consolidé de 1789 à la Résistance, avec la participation active de troupes étrangères, doit aujourd’hui être revu, afin de reconnaître en son sein des femmes et des hommes venus d’autres horizons.

Ainsi, ces dernières années, et les événements internationaux ne nous ont pas aidés, la place de l’Islam en France n’était pas évidente. Beaucoup ont agité le " chiffon vert ", et pas seulement le Front National, afin de troubler l’esprit de nos concitoyens.

Passant ainsi sur une réalité incontournable qui fait que l’Islam est présent sur le sol français, et de manière durable, depuis le siècle dernier, depuis le jour où le premier combattant arabo-musulman venu du Maghreb a posé ses pieds sur la terre de France en partance probable pour une campagne des armées du Second Empire. Et durant les guerres successives qui ont suivi, les successeurs de ce soldat musulman ne se sont pas dépouillés de leur religion.

Ce n’est pas pour cela que la France leur a offert les conditions dignes d’exercice de leur culte et ce de nos jours encore !

Il est vrai que la diversité des origines, des cultures, dont sont issus les musulmans de France, l’absence de clergé en Islam, un contexte socio-économique défavorable, tout cela peut expliquer le relatif éparpillement des énergies, afin de promouvoir la mise en place de conditions d’exercice digne du culte.

Les différents ministres de l’Intérieur ont tenté de mettre en place ces conditions. Daniel VAILLANT, après les efforts de Jean-Pierre CHEVENEMENT, mais aussi de Pierre JOXE, a réussi à mettre sur pied cette représentation. L’Islam est enfin à la table de la République. Il importe, désormais, que le Parti Socialiste favorise, par des pratiques nouvelles, notamment auprès des maires socialistes, une prise en compte du culte musulman. Cela favorisera une intégration de l’Islam visible et transparent et, dans le même temps, marquera l’intérêt des socialistes pour la légitimité de la pratique de ce culte tout en respectant les règles fondamentales de la laïcité sur lesquelles repose la République.

Aujourd’hui, il y va de la responsabilité de ceux qui détiennent le pouvoir ou qui en ont la vocation, particulièrement les socialistes, d’appréhender dans une perspective historique et éthique, la place de ces populations au sein de la société française et leur place dans les instances politiques. Pour être porteur d’avenir, un projet politique doit intégrer cette dimension.

Une offre politique nouvelle crédible, qui se traduirait prioritairement par un nombre significatif et représentatif de mandats électifs pour ces citoyens de la république, constituera la seule garantie de bonne foi, de reconnaissance et de responsabilité du PS. Seulement, on ne devient pas acteur politique, c’est-à-dire qui pèse sur la décision, uniquement en siégeant dans une assemblée élue. Le mandat électif n’a de sens que dans la mesure où il est accompagné par une mise en responsabilité effective. Ainsi, bon nombre d’élus issus de l’immigration ont fait de la simple figuration ou n’ont fait que cautionner des décisions politiques prises avec leur participation passive. Tout comme il n’est pas admissible que certains d’entre eux, qui se sont forgé une autorité politique, soient considérés comme des élus " kleenex ".

Ainsi, il n’y a donc pas d’implication forte, dans tous les champs de la société française, des Français issus de l’immigration, sans processus de mise en responsabilité institutionnelle et politique d’un nombre significatif d’individus issus de leurs rangs. Cette démarche sera à l’origine de ce qu’on peut qualifier d’effet multiplicateur ou d’entraînement du processus d’inclusion politique, social et culturel. Un tel processus renforcera d’ailleurs l’adhésion de ce public aux valeurs républicaines, que tous les démocrates appellent de leurs vœux.

En définitive, un mieux vivre pour la jeunesse de nos banlieues, l’intégration de l’Islam, une place plus importante des Français arabo-musulmans dans les Assemblées et institutions françaises, la vision d’une politique étrangère mieux pensée, notamment concernant la question israélo-palestinienne et pour une paix juste qui mette fin à la colonisation et à l’humiliation pour les uns et à l’insécurité pour les autres, la relation de la France au Maghreb et à l’Afrique francophone constituent les seules bonnes réponses aux doutes de ces populations.

Ce sont ces signaux forts que réclament les jeunes franco-arabes de notre pays, conformément aux valeurs fondamentales de la République que sont la liberté, l’égalité et la solidarité, à défaut de fraternité.

Outre l’immense travail à faire sur le plan économique et social pour les plus défavorisés d’entre nous, et particulièrement les jeunes banlieusards " paumés ", nous devons agir ici et maintenant, avec des gestes forts, démontrant ainsi que le PS n’est pas insensible à ces sujets.

C’est ainsi, me semble-t-il, que le Parti Socialiste pourra retrouver une réelle crédibilité auprès des jeunes issus de l’immigration. Le Mouvement des citoyens semble aujourd’hui exercer une réelle attractivité due à son président qui présente l’avantage d’être assez clair et offensif sur les questions évoquées plus haut. Les verts également mais pour d’autres raisons, ( nouveau parti, sans papiers, tiers monde, environnement etc. ). Dans le cas contraire, la Droite déjà joue habilement de cette situation et peut nous réserver quelques surprises et cela dés les prochaines législatives !


Tahar RAHMANI


Revue de presse

extrait de l'hebdomadaire Le Pavé (Marseille), n°169, 13-19/09/2001

Rahmani au rapport...

Il y a quelques semaines, François Hollande avait demandé à Tahar Rahmani, conseiller municipal marseillais (PS), de lui fournir un rapport sur la qualité des rapports entre la communauté arabo-musulmane de France avec le parti socialiste. Le premier secrétaire national s'était en effet étonné du désamour politique entre le PS et les Arabo-musulmans. Ce rapport a été remis à Hollande. Rahmani constate que la droite est "de plus en plus offensive dans son rapprochement vers ces populations. Les tabous sont tombés et les diverses droites apparaissent aujourd'hui plus enclines et plus sensibles à l'ouverture sur leurs listes aux personnes d'origine arabo-musulmane". L'élu marseillais considère par ailleurs que le PS a "trop légèrement disserté sur le "droit à la différence" ou à la "ressemblance", les socialistes ne peuvent qu'être surpris d'être confrontés à un état de divergence". Des efforts ont été faits par les ministres de l'intérieur de Jospin pour promouvoir des conditions dignes d'exercice du culte musulman. "Il importe, désormais, que le parti socialiste favorise, par des pratiques nouvelles, notamment auprès des maires socialistes, une prise en compte du culte musulman". Rahmani a aussi souligné le brouillage de l'image de Jospin auprès de la communauté musulmane sur la question palestinienne. La balle est désormais dans le camp d'Hollande.

article paru dans le quotidien La Provence (Marseille) le mercredi 19 septembre 2001

Quand le PS se penche sur ses électeurs musulmans

Tahar Rahmani a remis, à sa demande, un rapport à François Hollande sur le PS et les franco-musulmans

"Les tabous sont tombés et la droite apparaît aujourd'hui plus encline et plus sensible à l'ouverture sur ses listes aux personnes d'origine arabo-musulmane".

C'est le constat que dresse Tahar Rahmani dans un rapport que lui a demandé le premier secrétaire du PS, François Hollande. L'élu marseillais peut en parler. Aux dernières élections municipales de Marseille, le seul conseiller municipal d'origine étrangère a lui-même failli être évincé des listes de gauche alors que de nombreux Français d'origine maghrébine figuraient sur les listes de droite. Une droite qui s'est même payée le luxe de faire élire, pour la première fois dans l'histoire de Marseille, une adjointe au maire musulmane. "Longtemps la gauche a cru que les Franco-maghrébins étaient génétiquement à gauche", explique Tahar Rahmani, qui a enquêté à Marseille, Montpellier et Dunkerque. "Or les jeunes qui sont nés avec la gauche au pouvoir ne constituent pas une clientèle captive. Et leurs aînés, qui ont encore la gauche dans les tripes sont souvent déçus du PS, explique-t-il, il n'y a pas eu assez d'améliorations dans la vie des quartiers. Et le discours du PS, notamment sur le Proche-Orient, leur semble en retrait, contrairement à celui du MDC".

Tahar Rahmani préconise donc une réaffirmation des positions du PS sur le Proche-Orient, de vrais gestes forts en direction des quartiers défavorisés, la promotion de candidatures aux élections, et surtout une réunion de tous les maires socialistes pour définir la place de l'islam dans la ville, et des lieux de culte décents. "Et c'est encore plus important depuis les événements aux Etats-Unis" constate Tahar Rahmani.

Thierry Noir