Différences entre versions de « Belge de statut congolais »

De Suffrage Universel
Aller à : navigation, rechercher
Ligne 9 : Ligne 9 :
  
 
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/1
 
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/1
 +
 
**101
 
**101
 +
 
Cour de cassation de Belgique
 
Cour de cassation de Belgique
 +
 
Arrêt
 
Arrêt
 +
 
N° C.10.0394.F
 
N° C.10.0394.F
 +
 
K. B.,
 
K. B.,
 +
 
demandeur en cassation,
 
demandeur en cassation,
représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le
+
 
cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de
+
représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
domicile,
+
 
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/2
 
 
contre
 
contre
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE
+
 
BRUXELLES,
+
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
 +
 
 
défendeur en cassation.
 
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
+
 
 +
==I. La procédure devant la Cour==
 
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 janvier
 
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 janvier
 
2010 par la cour d’appel de Bruxelles.
 
2010 par la cour d’appel de Bruxelles.
 +
 
Le 25 février 2011, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des
 
Le 25 février 2011, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des
 
conclusions au greffe.
 
conclusions au greffe.
 +
 
Le président Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Thierry
 
Le président Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Thierry
 
Werquin a été entendu en ses conclusions.
 
Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
+
 
 +
==II. Le moyen de cassation==
 
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
 
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
+
 
- articles 24 et 28 du Code de la nationalité belge ;
+
'''Dispositions légales violées'''
- articles 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable le 30 juin
+
* articles 24 et 28 du Code de la nationalité belge ;
1960 au moment de l’accession du Congo à l’indépendance et, pour autant que
+
* articles 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable le 30 juin 1960 au moment de l’accession du Congo à l’indépendance et, pour autant que de besoin, 8 de la Constitution dans sa version actuelle;
de besoin, 8 de la Constitution dans sa version actuelle ;
+
* articles 18 et 19 de la loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité.
- articles 18 et 19 de la loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité.
+
 
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/3
+
'''Décisions et motifs critiqués'''
Décisions et motifs critiqués
+
 
L’arrêt déclare fondé l’avis négatif du procureur du Roi et dit en
+
L’arrêt déclare fondé l’avis négatif du procureur du Roi et dit en conséquence qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de recouvrement de la nationalité belge faite en application de l’article 24 du Code de la nationalité belge par le demandeur, aux motifs notamment que :
conséquence qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de recouvrement
+
 
de la nationalité belge faite en application de l’article 24 du Code de la
 
nationalité belge par le demandeur, aux motifs notamment que :
 
 
«En vertu de l’annexion du Congo au territoire belge par la loi
 
«En vertu de l’annexion du Congo au territoire belge par la loi
 
d’annexion du 18 octobre 1908, les Congolais sont devenus des ‘Belges de
 
d’annexion du 18 octobre 1908, les Congolais sont devenus des ‘Belges de
Ligne 69 : Ligne 77 :
 
comme exposé ci-dessus, ne s’appliquait qu’aux ‘citoyens’ belges et non aux
 
comme exposé ci-dessus, ne s’appliquait qu’aux ‘citoyens’ belges et non aux
 
‘sujets’ belges ».
 
‘sujets’ belges ».
Griefs
+
 
Première branche
+
'''Griefs'''
 +
 
 +
''Première branche''
 +
 
 
En vertu de l’article 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable
 
En vertu de l’article 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable
 
au moment de l’annexion du Congo par la Belgique, et de l’actuel article 8 de
 
au moment de l’annexion du Congo par la Belgique, et de l’actuel article 8 de
 
la Constitution, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se perd d’après
 
la Constitution, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se perd d’après
 
les règles déterminées par la loi civile.
 
les règles déterminées par la loi civile.
 +
 
La qualité de Belge était en conséquence à l’époque déterminée par la
 
La qualité de Belge était en conséquence à l’époque déterminée par la
 
loi du 14 décembre 1932 visée au moyen et non par le titre Ier du livre des
 
loi du 14 décembre 1932 visée au moyen et non par le titre Ier du livre des
 
personnes du Code civil congolais.
 
personnes du Code civil congolais.
 +
 
En décidant le contraire et en considérant pour ce motif que la
 
En décidant le contraire et en considérant pour ce motif que la
 
demande de recouvrement de nationalité faite par le demandeur était non
 
demande de recouvrement de nationalité faite par le demandeur était non
 
fondée, l’arrêt méconnaît les dispositions de la Constitution visées au moyen.
 
fondée, l’arrêt méconnaît les dispositions de la Constitution visées au moyen.
Seconde branche
+
 
 +
''Seconde branche''
 +
 
 
La loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité n’établissait aucune
 
La loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité n’établissait aucune
 
distinction entre les citoyens belges et les sujets belges en ce qui concerne les
 
distinction entre les citoyens belges et les sujets belges en ce qui concerne les
 
circonstances entraînant la perte et le recouvrement de la nationalité.
 
circonstances entraînant la perte et le recouvrement de la nationalité.
 +
 
L’article 24 du Code de la nationalité belge prévoit que « celui qui a
 
L’article 24 du Code de la nationalité belge prévoit que « celui qui a
 
perdu la nationalité belge, autrement que par déchéance, peut, par une
 
perdu la nationalité belge, autrement que par déchéance, peut, par une
Ligne 90 : Ligne 106 :
 
soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en
 
soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en
 
Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration ».
 
Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration ».
 +
 
Ledit article 24 n’établit non plus aucune distinction pour pouvoir
 
Ledit article 24 n’établit non plus aucune distinction pour pouvoir
 
demander le recouvrement de la nationalité.
 
demander le recouvrement de la nationalité.
 +
 
D’ailleurs, cette distinction, liée uniquement à certains droits politiques
 
D’ailleurs, cette distinction, liée uniquement à certains droits politiques
 
(droit de vote, droit d’accéder à certains emplois publics), n’a plus de raison
 
(droit de vote, droit d’accéder à certains emplois publics), n’a plus de raison
Ligne 97 : Ligne 115 :
 
Larcier, 2004, n°s 16 et 205 ; R.P.D.B., cplt III, v° Nationalité, n° 88, et les réf.
 
Larcier, 2004, n°s 16 et 205 ; R.P.D.B., cplt III, v° Nationalité, n° 88, et les réf.
 
cit.). Toute personne ayant été belge, à quelque titre que ce soit, notamment un
 
cit.). Toute personne ayant été belge, à quelque titre que ce soit, notamment un
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/5
 
 
citoyen congolais qui possédait la nationalité belge lorsque le Congo était
 
citoyen congolais qui possédait la nationalité belge lorsque le Congo était
 
belge, peut recouvrer cette nationalité, même s’il n’a pas fait usage des
 
belge, peut recouvrer cette nationalité, même s’il n’a pas fait usage des
Ligne 103 : Ligne 120 :
 
permettaient le recouvrement de la nationalité aux étrangers (Ch.-L. Closset,
 
permettaient le recouvrement de la nationalité aux étrangers (Ch.-L. Closset,
 
op. cit., n° 767).
 
op. cit., n° 767).
 +
 
L’arrêt ne conteste pas que le demandeur avait acquis la nationalité
 
L’arrêt ne conteste pas que le demandeur avait acquis la nationalité
 
belge au moment de l’annexion du Congo par l’État belge. Il lui refuse
 
belge au moment de l’annexion du Congo par l’État belge. Il lui refuse
Ligne 109 : Ligne 127 :
 
belge, en vertu des lois antérieures à l’indépendance, mais uniquement sujet
 
belge, en vertu des lois antérieures à l’indépendance, mais uniquement sujet
 
belge.
 
belge.
 +
 
Il établit ainsi une distinction entre les personnes de nationalité belge
 
Il établit ainsi une distinction entre les personnes de nationalité belge
 
qui l’ont eue et qui voudraient la recouvrer, selon qu’elles étaient ‘citoyens’ ou
 
qui l’ont eue et qui voudraient la recouvrer, selon qu’elles étaient ‘citoyens’ ou
 
‘sujets’, alors qu’une telle distinction ne résulte d’aucune disposition sur
 
‘sujets’, alors qu’une telle distinction ne résulte d’aucune disposition sur
 
lesquelles il se fonde.
 
lesquelles il se fonde.
 +
 
En décidant, sur la base d’une telle distinction, de faire droit à la
 
En décidant, sur la base d’une telle distinction, de faire droit à la
 
demande du demandeur de recouvrer la nationalité belge, l’arrêt viole
 
demande du demandeur de recouvrer la nationalité belge, l’arrêt viole
 
l’ensemble des dispositions visées au moyen.
 
l’ensemble des dispositions visées au moyen.
III. La décision de la Cour
+
 
Quant à la première branche :
+
==III. La décision de la Cour==
 +
''Quant à la première branche :''
 +
 
 
Aux termes de l’article 4, alinéa 1er, de la Constitution du 7 février
 
Aux termes de l’article 4, alinéa 1er, de la Constitution du 7 février
 
1831, applicable au moment où le demandeur a acquis et perdu la nationalité
 
1831, applicable au moment où le demandeur a acquis et perdu la nationalité
 
belge qu’il entend recouvrer, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se
 
belge qu’il entend recouvrer, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se
 
perd d’après les règles déterminées par la loi civile.
 
perd d’après les règles déterminées par la loi civile.
 +
 
Suivant l’article 1er, alinéa 4, de ce texte, les colonies, possessions
 
Suivant l’article 1er, alinéa 4, de ce texte, les colonies, possessions
 
d’outre-mer ou protectorats que la Belgique peut acquérir sont régis par des
 
d’outre-mer ou protectorats que la Belgique peut acquérir sont régis par des
 
lois particulières.
 
lois particulières.
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/6
+
 
 
En vertu de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi sur le gouvernement du
 
En vertu de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi sur le gouvernement du
 
Congo belge du 18 octobre 1908, dite charte coloniale, le Congo belge a une
 
Congo belge du 18 octobre 1908, dite charte coloniale, le Congo belge a une
 
personnalité juridique distincte de la métropole et est régi par des lois
 
personnalité juridique distincte de la métropole et est régi par des lois
 
particulières.
 
particulières.
 +
 
L’article 4 de la charte dispose que les Belges, les Congolais
 
L’article 4 de la charte dispose que les Belges, les Congolais
 
immatriculés et les étrangers jouissent de tous les droits civils reconnus par la
 
immatriculés et les étrangers jouissent de tous les droits civils reconnus par la
 
législation du Congo belge et que leur statut personnel est régi par leurs lois
 
législation du Congo belge et que leur statut personnel est régi par leurs lois
 
nationales en tant qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public.
 
nationales en tant qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public.
 +
 
Il suit de ces dispositions que, si les Congolais ont, après l’annexion du
 
Il suit de ces dispositions que, si les Congolais ont, après l’annexion du
 
Congo à la Belgique, acquis la nationalité belge, ce n’est pas en vertu des lois
 
Congo à la Belgique, acquis la nationalité belge, ce n’est pas en vertu des lois
Ligne 139 : Ligne 164 :
 
dans le titre Ier du livre Ier du Code civil congolais et qui, n’étant pas contraires
 
dans le titre Ier du livre Ier du Code civil congolais et qui, n’étant pas contraires
 
à l’ordre public, ont continué à sortir leurs effets.
 
à l’ordre public, ont continué à sortir leurs effets.
Quant à la seconde branche :
+
 
 +
''Quant à la seconde branche :''
 +
 
 
L’article 24, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge dispose que celui
 
L’article 24, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge dispose que celui
 
qui a perdu la nationalité belge autrement que par déchéance peut, par une
 
qui a perdu la nationalité belge autrement que par déchéance peut, par une
Ligne 145 : Ligne 172 :
 
soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en
 
soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en
 
Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration.
 
Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration.
 +
 
Avant l’entrée en vigueur de ce code, le recouvrement de la nationalité
 
Avant l’entrée en vigueur de ce code, le recouvrement de la nationalité
 
belge était régi, à des conditions analogues, par l’article 19 des lois sur
 
belge était régi, à des conditions analogues, par l’article 19 des lois sur
 
l’acquisition, la perte et le recouvrement de la nationalité, coordonnées le
 
l’acquisition, la perte et le recouvrement de la nationalité, coordonnées le
 
14 décembre 1932.
 
14 décembre 1932.
 +
 
L’article 2, § 4, de la loi du 22 décembre 1961 relative à l’acquisition
 
L’article 2, § 4, de la loi du 22 décembre 1961 relative à l’acquisition
 
ou au recouvrement de la nationalité belge par les étrangers nés ou domiciliés
 
ou au recouvrement de la nationalité belge par les étrangers nés ou domiciliés
Ligne 155 : Ligne 184 :
 
qui, au 30 juin 1960, possédaient la qualité de Belge de statut congolais la
 
qui, au 30 juin 1960, possédaient la qualité de Belge de statut congolais la
 
possibilité d’acquérir la qualité de Belge par option.
 
possibilité d’acquérir la qualité de Belge par option.
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/7
+
 
 
Les personnes qui avaient omis de souscrire en temps utile une
 
Les personnes qui avaient omis de souscrire en temps utile une
 
déclaration d’option en faveur de la nationalité belge sur la base dudit article 2,
 
déclaration d’option en faveur de la nationalité belge sur la base dudit article 2,
Ligne 161 : Ligne 190 :
 
souscrire cette déclaration, dans la forme prévue à l’article 15, dans les deux
 
souscrire cette déclaration, dans la forme prévue à l’article 15, dans les deux
 
ans suivant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de cette disposition.
 
ans suivant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de cette disposition.
 +
 
Il se déduit de l’ensemble de ces dispositions que la faculté de
 
Il se déduit de l’ensemble de ces dispositions que la faculté de
 
recouvrer la nationalité belge visée à l’article 24 du Code de la nationalité
 
recouvrer la nationalité belge visée à l’article 24 du Code de la nationalité
Ligne 169 : Ligne 199 :
  
 
Par ces motifs,
 
Par ces motifs,
 +
 
La Cour
 
La Cour
 +
 
Rejette le pourvoi ;
 
Rejette le pourvoi ;
 +
 
Condamne le demandeur aux dépens.
 
Condamne le demandeur aux dépens.
 +
 
Les dépens taxés à la somme de quatre cent sept euros quarante-deux centimes
 
Les dépens taxés à la somme de quatre cent sept euros quarante-deux centimes
 
en débet envers la partie demanderesse.
 
en débet envers la partie demanderesse.
Ligne 177 : Ligne 211 :
 
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
 
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
 
siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Albert
 
siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Albert
Fettweis, Alain Simon et Mireille Delange, et prononcé en audience publique
+
Fettweis, Alain Simon et Mireille Delange,  
du vingt et un avril deux mille onze par le président Christian Storck, en
+
 
 +
et prononcé en audience publique du vingt et un avril deux mille onze par le président Christian Storck, en
 
présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier
 
présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier
 
Patricia De Wadripont.
 
Patricia De Wadripont.
 
21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/8
 
  
 
P. De Wadripont M. Delange A. Simon
 
P. De Wadripont M. Delange A. Simon

Version du 12 juillet 2014 à 20:02

Attention: cet article est en cours de rédaction, il s'agit donc d'une ébauche et certains éléments peuvent donc être prochainement modifiés suite à la consultation de sources supplémentaires.

voir aussi:

"Arrêt N° C.10.0394.F", Cour de cassation de Belgique, 21 avril 2011

21 AVRIL 2011 C.10.0394.F/1

    • 101

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.10.0394.F

K. B.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES,

défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2010 par la cour d’appel de Bruxelles.

Le 25 février 2011, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.

Le président Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

  • articles 24 et 28 du Code de la nationalité belge ;
  • articles 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable le 30 juin 1960 au moment de l’accession du Congo à l’indépendance et, pour autant que de besoin, 8 de la Constitution dans sa version actuelle;
  • articles 18 et 19 de la loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité.

Décisions et motifs critiqués

L’arrêt déclare fondé l’avis négatif du procureur du Roi et dit en conséquence qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de recouvrement de la nationalité belge faite en application de l’article 24 du Code de la nationalité belge par le demandeur, aux motifs notamment que :

«En vertu de l’annexion du Congo au territoire belge par la loi d’annexion du 18 octobre 1908, les Congolais sont devenus des ‘Belges de statut colonial’, appelés encore par la suite ‘Belges de statut congolais’. Cette loi du 18 octobre 1908 (appelée aussi charte coloniale) disposait toutefois en son article premier que le Congo belge et ses habitants seraient régis par des lois particulières et maintenus sous un régime spécial […]. Si les auteurs cités par [le demandeur] ont ainsi pu considérer que, par la loi d’annexion du 18 octobre 1908, les Congolais avaient acquis la nationalité belge […], il convient de relever que les mêmes auteurs considéraient que les Congolais n’étaient pas pour autant devenus des ‘citoyens belges’ mais des ‘sujets belges’ soumis à la souveraineté belge […]. À ce titre, ils n’avaient pas les mêmes droits que les ‘citoyens belges’ de la métropole, notamment en ce qui concerne l’accès aux fonctions publiques, le droit de vote et l’éligibilité. La notion de ‘nationalité belge’ utilisée par les auteurs précités doit donc être nuancée et n’a pas la même acception que celle qui lui est actuellement donnée, notamment par l’article 24 du Code de la nationalité belge […]. En réalité, la perte et le recouvrement du statut de ‘Belge de statut congolais’ depuis l’annexion et jusqu’à l’accession du Congo à l’indépendance étaient régis, non par la loi métropolitaine du 14 décembre 1932, mais par le titre Ier du livre des personnes du Code civil congolais […]. L’on doit déduire de ce qui précède que la perte de la nationalité belge ne peut concerner l’hypothèse de la perte de la qualité de sujet belge de statut congolais. En effet, le Code de la nationalité belge remplace la loi antérieure du 14 décembre 1932 laquelle, comme exposé ci-dessus, ne s’appliquait qu’aux ‘citoyens’ belges et non aux ‘sujets’ belges ».

Griefs

Première branche

En vertu de l’article 4 de la Constitution du 7 février 1831, applicable au moment de l’annexion du Congo par la Belgique, et de l’actuel article 8 de la Constitution, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi civile.

La qualité de Belge était en conséquence à l’époque déterminée par la loi du 14 décembre 1932 visée au moyen et non par le titre Ier du livre des personnes du Code civil congolais.

En décidant le contraire et en considérant pour ce motif que la demande de recouvrement de nationalité faite par le demandeur était non fondée, l’arrêt méconnaît les dispositions de la Constitution visées au moyen.

Seconde branche

La loi du 14 décembre 1932 sur la nationalité n’établissait aucune distinction entre les citoyens belges et les sujets belges en ce qui concerne les circonstances entraînant la perte et le recouvrement de la nationalité.

L’article 24 du Code de la nationalité belge prévoit que « celui qui a perdu la nationalité belge, autrement que par déchéance, peut, par une déclaration faite conformément à l’article 15, la recouvrer aux conditions qu’il soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration ».

Ledit article 24 n’établit non plus aucune distinction pour pouvoir demander le recouvrement de la nationalité.

D’ailleurs, cette distinction, liée uniquement à certains droits politiques (droit de vote, droit d’accéder à certains emplois publics), n’a plus de raison d’être actuellement (Ch.-L. Closset, Traité de la nationalité de droit belge, Larcier, 2004, n°s 16 et 205 ; R.P.D.B., cplt III, v° Nationalité, n° 88, et les réf. cit.). Toute personne ayant été belge, à quelque titre que ce soit, notamment un citoyen congolais qui possédait la nationalité belge lorsque le Congo était belge, peut recouvrer cette nationalité, même s’il n’a pas fait usage des dispositions temporaires prévues par la loi du 22 décembre 1961 qui permettaient le recouvrement de la nationalité aux étrangers (Ch.-L. Closset, op. cit., n° 767).

L’arrêt ne conteste pas que le demandeur avait acquis la nationalité belge au moment de l’annexion du Congo par l’État belge. Il lui refuse cependant le droit de recouvrer cette nationalité, qu’il avait perdue au moment de l’indépendance du Congo, au seul motif qu’il n’avait jamais été citoyen belge, en vertu des lois antérieures à l’indépendance, mais uniquement sujet belge.

Il établit ainsi une distinction entre les personnes de nationalité belge qui l’ont eue et qui voudraient la recouvrer, selon qu’elles étaient ‘citoyens’ ou ‘sujets’, alors qu’une telle distinction ne résulte d’aucune disposition sur lesquelles il se fonde.

En décidant, sur la base d’une telle distinction, de faire droit à la demande du demandeur de recouvrer la nationalité belge, l’arrêt viole l’ensemble des dispositions visées au moyen.

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Aux termes de l’article 4, alinéa 1er, de la Constitution du 7 février 1831, applicable au moment où le demandeur a acquis et perdu la nationalité belge qu’il entend recouvrer, la qualité de Belge s’acquiert, se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi civile.

Suivant l’article 1er, alinéa 4, de ce texte, les colonies, possessions d’outre-mer ou protectorats que la Belgique peut acquérir sont régis par des lois particulières.

En vertu de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi sur le gouvernement du Congo belge du 18 octobre 1908, dite charte coloniale, le Congo belge a une personnalité juridique distincte de la métropole et est régi par des lois particulières.

L’article 4 de la charte dispose que les Belges, les Congolais immatriculés et les étrangers jouissent de tous les droits civils reconnus par la législation du Congo belge et que leur statut personnel est régi par leurs lois nationales en tant qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public.

Il suit de ces dispositions que, si les Congolais ont, après l’annexion du Congo à la Belgique, acquis la nationalité belge, ce n’est pas en vertu des lois métropolitaines sur la nationalité mais des règles ayant cet objet contenues dans le titre Ier du livre Ier du Code civil congolais et qui, n’étant pas contraires à l’ordre public, ont continué à sortir leurs effets.

Quant à la seconde branche :

L’article 24, alinéa 1er, du Code de la nationalité belge dispose que celui qui a perdu la nationalité belge autrement que par déchéance peut, par une déclaration faite conformément à l’article 15, la recouvrer aux conditions qu’il soit âgé d’au moins dix-huit ans et qu’il ait eu sa résidence principale en Belgique pendant les douze mois qui précèdent la déclaration.

Avant l’entrée en vigueur de ce code, le recouvrement de la nationalité belge était régi, à des conditions analogues, par l’article 19 des lois sur l’acquisition, la perte et le recouvrement de la nationalité, coordonnées le 14 décembre 1932.

L’article 2, § 4, de la loi du 22 décembre 1961 relative à l’acquisition ou au recouvrement de la nationalité belge par les étrangers nés ou domiciliés sur le territoire de la république du Congo ou par les Congolais ayant eu en Belgique leur résidence habituelle a ouvert à titre temporaire aux personnes qui, au 30 juin 1960, possédaient la qualité de Belge de statut congolais la possibilité d’acquérir la qualité de Belge par option.

Les personnes qui avaient omis de souscrire en temps utile une déclaration d’option en faveur de la nationalité belge sur la base dudit article 2, § 4, ont été admises par l’article 28, § 1er, du Code de la nationalité belge à souscrire cette déclaration, dans la forme prévue à l’article 15, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de cette disposition.

Il se déduit de l’ensemble de ces dispositions que la faculté de recouvrer la nationalité belge visée à l’article 24 du Code de la nationalité belge ne s’applique pas aux Belges de statut congolais, qui n’avaient pas acquis la nationalité belge en vertu des lois métropolitaines sur la nationalité.

Le moyen, en chacune de ses branches, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de quatre cent sept euros quarante-deux centimes en débet envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Alain Simon et Mireille Delange,

et prononcé en audience publique du vingt et un avril deux mille onze par le président Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.

P. De Wadripont M. Delange A. Simon A. Fettweis D. Batselé Chr. Storck