Différences entre versions de « Élections municipales turques de 1930 »

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Les premières élections démocratiques multipartites du régime kémaliste ont lieu le 5 octobre 1930, c'est la première fois depuis 1923 qu'un autre parti que le Parti républicain du peuple, parti de facto unique, est autorisé à concourir, la première fois que des élections ont lieu au scrutin direct, et non au [[élection au second degré|second degré]] avec des "grands électeurs", la première fois que les femmes ont le droit de vote.  
 
Les premières élections démocratiques multipartites du régime kémaliste ont lieu le 5 octobre 1930, c'est la première fois depuis 1923 qu'un autre parti que le Parti républicain du peuple, parti de facto unique, est autorisé à concourir, la première fois que des élections ont lieu au scrutin direct, et non au [[élection au second degré|second degré]] avec des "grands électeurs", la première fois que les femmes ont le droit de vote.  
  
Le Parti républicain libéral (SCF)<ref>''Serbest Cumhuriyet Fırkası'', le deuxième parti politique d'opposition autorisé - le premier, le Parti républicain progressiste, avait été dissous en 1925 après quelques mois d'existence et ses dirigeants emprisonnés - depuis l'accession au pouvoir de Mustafa Kemal, fondé le 12 août 1930 par le député Ali Fethi Okyar avec l'appui de M. Kemal</ref>, qui vient d'être créé moins de quatre mois plus tôt, y remporte un succès inattendu, decenant majoritaire dans une trentaine de communes sur 502 (voir tableau ci-dessous pour cinq villes<ref>données reprises de l'article du wikipédia en turc, [http://tr.wikipedia.org/wiki/Serbest_Cumhuriyet_F%C4%B1rkas%C4%B1 Serbest Cumhuriyet Fırkası], qui cite comme source: Çetin Yetkin, ''Atatürk'ün Başarısız Demokrasi Devrimi: Serbest Cumhuriyet Fırkası'', Toplumsal Dönüşüm Yayıncılık, İstanbul, 1997</ref>). La plupart de ces communes étaient situées dans les provinces d'Aydın et d'Izmir, notamment Menemen, une petite ville située à une trentaine de km d'Izmir<ref>Touraj Atabaki, ''The state and the subaltern: modernization, society and the state in Turkey: modernization, society and the state in Turkey and Iran'', Londres, I.B.Tauris (Volume 66 de Library of modern Middle East studies), 2007, ISBN 9781845113391 [http://books.google.be/books?id=6rgGbKh3spgC&pg=PA147 p.147]</ref>.
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==Résultats==
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Le Parti républicain libéral (SCF)<ref>''Serbest Cumhuriyet Fırkası'', le deuxième parti politique d'opposition autorisé - le premier, le Parti républicain progressiste, avait été dissous en 1925 après quelques mois d'existence et ses dirigeants emprisonnés - depuis l'accession au pouvoir de Mustafa Kemal, fondé le 12 août 1930 par le député Ali Fethi Okyar avec l'appui de M. Kemal</ref>, qui vient d'être créé moins de quatre mois plus tôt, y remporte un succès inattendu, devenant majoritaire dans une trentaine de communes sur 502 (voir tableau ci-dessous pour cinq villes<ref>données reprises de l'article du wikipédia en turc, [http://tr.wikipedia.org/wiki/Serbest_Cumhuriyet_F%C4%B1rkas%C4%B1 Serbest Cumhuriyet Fırkası], qui cite comme source: Çetin Yetkin, ''Atatürk'ün Başarısız Demokrasi Devrimi: Serbest Cumhuriyet Fırkası'', Toplumsal Dönüşüm Yayıncılık, İstanbul, 1997</ref>). La plupart de ces communes étaient situées dans les provinces d'Aydın et d'Izmir, notamment Menemen, une petite ville située à une trentaine de km d'Izmir<ref>Atabaki 2007:[http://books.google.be/books?id=6rgGbKh3spgC&pg=PA147 147]</ref>.
  
 
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À Istanbul, qui compte 42 sièges à pourvoir et un pourcentage important de population non-musulmane, le SCF présente 5 Grecs, 2 Arméniens et 2 Juifs alors que depuis 1920 il n'y a plus eu un seul [[Parlementaires turcs issus des minorités religieuses|parlementaire turc issus des minorités religieuses‎]], contrairement aux pratiques en vigueur sous l'Empire ottoman. Il faudra attendre 1935 pour que des députés grecs, juif et arménien fassent à nouveau leur entrée au Parlement turc. L'un d'entre eux, l'Arménien Berç Keresteciyan "Türker", est lui-même candidat sur la liste SCF à Istanbul en 1930, mais prétendra par la suite y avoir été inséré à son insu<ref>Ertan 2005</ref>.
  
La colère de Mustafa Kemal et des dirigeants de son Parti républicain du peuple est telle, suite à cette démonstration de popularité de l'opposition, que le SCF est accusé d'avoir falsifié les élections là où il les a remportées et "autodissout" le 15 novembre 1930. L'avènement du multipartisme est alors reporté de 15 ans, les premières élections réellement démocratiques n'auront lieu qu'en 1950, et seront remportées par l'opposition<ref name="koçak">Cemil Koçak, « [http://ejts.revues.org/index497.html Parliament Membership during the Single-Party System in Turkey (1925-1945)] », ''European Journal of Turkish Studies'', 3 (2005)</ref> <ref>Soner Çaǧaptay, ''Islam, secularism, and nationalism in modern Turkey: who is a Turk?'', Londres, Taylor & Francis (Routledge Studies in Middle Eastern Politics), 2006, [http://books.google.be/books?id=C0xU7NjkkqAC&pg=PA42 p.42]</ref>.
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==Réactions du régime==
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Cela provoque la fureur du parti au pouvoir qui accuse son concurrent de s'allier aux minorités ethnoreligieuses, aux Kurdes, aux conservateurs religieux, aux étrangers, d'être en contact avec les partisans du retour à l'Empire ottoman<ref>Ertan 2005</ref>. La colère de Mustafa Kemal et des dirigeants de son Parti républicain du peuple est telle, suite à cette démonstration de popularité de l'opposition, que le SCF est accusé d'avoir falsifié les élections là où il les a remportées et "autodissout" le 15 novembre 1930. L'avènement du multipartisme est alors reporté de 15 ans, les premières élections réellement démocratiques n'auront lieu qu'en 1950, et seront remportées par l'opposition<ref name="koçak">Koçak 2005</ref> <ref>Çaǧaptay 2006:[http://books.google.be/books?id=C0xU7NjkkqAC&pg=PA42 42]</ref>.
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==Incident de Menemen==
  
 
==Sources==
 
==Sources==
 
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==Bibliographie==
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*Touraj Atabaki, ''The state and the subaltern: modernization, society and the state in Turkey: modernization, society and the state in Turkey and Iran'', Londres, I.B.Tauris (Volume 66 de Library of modern Middle East studies), 2007, ISBN 9781845113391
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*Soner Çaǧaptay, ''Islam, secularism, and nationalism in modern Turkey: who is a Turk?'', Londres, Taylor & Francis (Routledge Studies in Middle Eastern Politics), 2006
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*Semi Ertan, ''[http://www.belgeler.com/blg/12da/an-armenian-at-the-turkish-parliament-in-the-early-republican-period-berc-turker-keresteciyan-1870-1949-erken-cumhuriyet-doneminde-t-b-m-m-de-bir-ermeni-berc-turker-keresteciyan-1870-1949 An Armenian at the Turkish parliament in the early republican period: Berç Türker-Keresteciyan, 1870-1949]'', thèse de doctorat, Sabancı University, İstanbul, 2005
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*Cemil Koçak, « [http://ejts.revues.org/index497.html Parliament Membership during the Single-Party System in Turkey (1925-1945)] », ''European Journal of Turkish Studies'', 3 (2005)
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[[Catégorie:élection|Turquie]]
 
[[Catégorie:élection|Turquie]]

Version du 14 juillet 2011 à 09:48

Les premières élections démocratiques multipartites du régime kémaliste ont lieu le 5 octobre 1930, c'est la première fois depuis 1923 qu'un autre parti que le Parti républicain du peuple, parti de facto unique, est autorisé à concourir, la première fois que des élections ont lieu au scrutin direct, et non au second degré avec des "grands électeurs", la première fois que les femmes ont le droit de vote.

Résultats

Le Parti républicain libéral (SCF)[1], qui vient d'être créé moins de quatre mois plus tôt, y remporte un succès inattendu, devenant majoritaire dans une trentaine de communes sur 502 (voir tableau ci-dessous pour cinq villes[2]). La plupart de ces communes étaient situées dans les provinces d'Aydın et d'Izmir, notamment Menemen, une petite ville située à une trentaine de km d'Izmir[3].

Ville Parti républicain du peuple
(parti de Mustafa Kemal)
Parti républicain libéral
Istanbul 35.942 12.868
Izmir 14.624 9.950
Bergama 250 1.371
Merzifon 496 557
Samsun 416 3.312

Minorités

À Istanbul, qui compte 42 sièges à pourvoir et un pourcentage important de population non-musulmane, le SCF présente 5 Grecs, 2 Arméniens et 2 Juifs alors que depuis 1920 il n'y a plus eu un seul parlementaire turc issus des minorités religieuses‎, contrairement aux pratiques en vigueur sous l'Empire ottoman. Il faudra attendre 1935 pour que des députés grecs, juif et arménien fassent à nouveau leur entrée au Parlement turc. L'un d'entre eux, l'Arménien Berç Keresteciyan "Türker", est lui-même candidat sur la liste SCF à Istanbul en 1930, mais prétendra par la suite y avoir été inséré à son insu[4].

Réactions du régime

Cela provoque la fureur du parti au pouvoir qui accuse son concurrent de s'allier aux minorités ethnoreligieuses, aux Kurdes, aux conservateurs religieux, aux étrangers, d'être en contact avec les partisans du retour à l'Empire ottoman[5]. La colère de Mustafa Kemal et des dirigeants de son Parti républicain du peuple est telle, suite à cette démonstration de popularité de l'opposition, que le SCF est accusé d'avoir falsifié les élections là où il les a remportées et "autodissout" le 15 novembre 1930. L'avènement du multipartisme est alors reporté de 15 ans, les premières élections réellement démocratiques n'auront lieu qu'en 1950, et seront remportées par l'opposition[6] [7].

Incident de Menemen

Sources

  1. Serbest Cumhuriyet Fırkası, le deuxième parti politique d'opposition autorisé - le premier, le Parti républicain progressiste, avait été dissous en 1925 après quelques mois d'existence et ses dirigeants emprisonnés - depuis l'accession au pouvoir de Mustafa Kemal, fondé le 12 août 1930 par le député Ali Fethi Okyar avec l'appui de M. Kemal
  2. données reprises de l'article du wikipédia en turc, Serbest Cumhuriyet Fırkası, qui cite comme source: Çetin Yetkin, Atatürk'ün Başarısız Demokrasi Devrimi: Serbest Cumhuriyet Fırkası, Toplumsal Dönüşüm Yayıncılık, İstanbul, 1997
  3. Atabaki 2007:147
  4. Ertan 2005
  5. Ertan 2005
  6. Koçak 2005
  7. Çaǧaptay 2006:42

Bibliographie